par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris 8
Appelé une nouvelle fois à se prononcer sur le barème Macron en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le Comité européen des droits sociaux confirme qu’il est contraire à la Charte sociale européenne et réagit à la position de la Cour de cassation qui a exclu la possibilité pour le juge d’y déroger (CEDS 5-7-2022 n° 175/2019, Syndicat CFDT de la métallurgie de la Meuse c/ Franc).
Saisi par le syndicat CFDT de la métallurgie de la Meuse, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) confirme sa position sur la question de la conformité du barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (dit barème Macron) à la Charte sociale européenne. Dans cette décision rendue le 5 juillet 2022, et publiée seulement le 30 novembre, il prend note de la position de la Cour de cassation en la matière.
Pour mémoire, ce barème, prévu à l’article L 1235-3 du Code du travail, fixe des fourchettes d’indemnisation, exprimées en mois de salaire, en fonction de l’ancienneté du salarié et de la taille de l’entreprise, le minimum étant moins élevé pour les 10 premières années d’ancienneté si l’employeur occupe moins de 11 salariés et le maximum étant fixé à 20 mois de salaire pour les salariés ayant au moins 29 ans d’ancienneté.
Le barème est contraire à la Charte sociale européenne
Sans surprise, le CEDS confirme sa position en renvoyant à sa décision du 23 mars 2022 dans laquelle il a conclu à la violation de l’article 24.b de la Charte au motif que le droit à une indemnisation adéquate ou à toute autre réparation appropriée au sens de ce texte n’était pas garanti (CEDS 23-3-2022 no 171/2018 : RJS 1/23 no 49, voir notre précédent article sur le barème Macron).
Il rappelle que «des plafonds d’indemnisation fixés par l’article L 1235-3 du Code du travail ne sont pas suffisamment élevés pour réparer le préjudice subi par la victime et être dissuasifs pour l’employeur. En outre, le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. Pour cette raison, le préjudice réel subi par le travailleur en question, lié aux circonstances individuelles de l’affaire peuvent être prises en compte de manière inadéquate et, par conséquent, ne pas être corrigées» (point 89).
Le syndicat CFDT de la métallurgie de la Meuse contestait par ailleurs la conventionnalité des dispositions de l’article L 1235-3 précité en ce qu’elles prévoient une réintégration seulement facultative du salarié en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais considérant que la Charte sociale européenne se réfère à une indemnisation ou à une autre réparation appropriée devant comprendre la réintégration et qu’il appartient au juge de décider si la réintégration est appropriée et observant que la réintégration est un des recours possible prévus par la loi française, le CEDS estime que les dispositions ci-dessus sont conformes à l’article 24.b de la Charte.
La Charte comporte des obligations juridiquement contraignantes
Rendue postérieurement aux deux arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation du 11 mai 2022 sur le sujet, cette nouvelle décision permet au CEDS d’en prendre acte et d’y répondre.
Rappelons que dans ces arrêts, desquels il résulte que le barème s’impose au juge dans tous les cas, déniant ainsi à celui-ci le droit de s’en écarter pour tenir compte des situations personnelles de chaque justiciable, la Cour de cassation a décidé que les dispositions de la Charte sociale européenne n’ont pas d’effet direct entre particuliers et que l’invocation de son article 24 devant le juge, dans le cadre de la contestation d’un licenciement ne peut donc pas conduire à écarter l’application de ce barème (Cass. soc. 11-5-2022 nos 21-14.490 FP-BR et 21-15.247 FP-BR : RJS 7/22 no 367).
Le Comité européen des droits sociaux s’oppose à cette approche. En effet, il estime «que la Charte énonce des obligations de droit international qui sont juridiquement contraignantes pour les États parties et que le Comité, en tant qu’organe conventionnel, est investi de la responsabilité d’évaluer juridiquement si les dispositions de la Charte ont été appliquées de manière satisfaisante. Le Comité considère qu’il appartient aux juridictions nationales de statuer sur la question en cause […] à la lumière des principes qu’il a énoncés à cet égard ou, selon le cas, qu’il appartient au législateur français de donner aux juridictions nationales les moyens de tirer les conséquences appropriées quant à la conformité à la Charte des dispositions internes en cause» (point 91).
Et de conclure «que, du fait que, dans l’ordre juridique interne français, l’article 24 ne peut être directement appliqué par les juridictions nationales pour garantir une indemnisation adéquate aux travailleurs licenciés sans motif valable, le droit à une indemnité au sens de l’article 24.b de la Charte n’est pas garanti en raison des plafonds fixés par l’article L 1235-3 du Code du travail» (point 92).
Pour information: Dans un arrêt du 21 octobre 2022, la Cour d’appel de Douai a de nouveau refusé d’appliquer le barème, en dépit de la position de la chambre sociale de la Cour de cassation. Notamment, elle estime, au regard de de la Convention 158 de l’OIT, qu’il n’est pas démontré que le barème, dans certains cas particuliers, et donc dans le cadre d’une analyse concrète, puisse assurer, dans tous les cas, une protection suffisante des personnes injustement licenciées et donc qu’il permet une réparation adéquate du préjudice subi. Pour elle, dans ces hypothèses, il doit revenir au juge de déterminer un montant en dehors des limites du barème au vu des éléments précis de la cause. Ce qu’elle a fait en l’espèce au vu de la situation concrète et particulière du salarié. Celui-ci, âgé de 55 ans, devait faire face à des problèmes de santé rendant difficile un retour rapide à l’emploi, avait encore 3 enfants à charge au moment du licenciement et avait 2 prêts immobiliers à rembourser. La cour a condamné son ancien employeur à lui verser 30000€ (environ 20 mois de salaire) à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, au lieu de 23960€ (16 mois de salaire compte tenu de son ancienneté de 21 ans) en application du barème ( CA Douai 21-10-2022 no 20/01124, SAS Samsic propreté).
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