par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris 8
Lorsque le juge pénal relaxe des prévenus des poursuites pour délit de harcèlement moral, le juge prud’homal peut néanmoins, en certaines circonstances, reconnaître le harcèlement moral au travail.
C'est ce qu'il ressort d'un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 18 janvier 2023 (no 21-10.233 F-D).
L’articulation entre le délit de harcèlement moral au pénal et le harcèlement moral au travail était au coeur de cette affaire.
Un employeur reprochait au Conseil de Prud'hommes et à la Cour d'Appel d’avoir retenu un harcèlement moral au travail à son encontre alors que par un jugement antérieur, le Tribunal correctionnel avait écarté à son égard l’incrimination de harcèlement moral en raison de l’absence d’élément intentionnel de sa part.
L’employeur faisait valoir que les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l’action publique ont au civil autorité absolue à l’égard de tous en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé.
La décision du Tribunal correctionel s’imposait-elle donc aux juges du volet prud'homal au nom de l’autorité de la chose jugée?
Tout se joue sur l’élément intentionnel
Ce n’est pas la position de la Cour de cassation.
Pour écarter l’autorité de chose jugée d’une décision de relaxe de la juridiction pénale, la chambre sociale de la Cour de Cassation s’appuie sur la différence entre cette infraction pénale de harcèlement moral et le harcèlement moral au travail, tel qu’il est défini par l’article L 1152-1 du Code du travail. Son raisonnement repose sur le fait que la caractérisation de faits de harcèlement moral en droit du travail ne suppose pas l’existence d’un élément intentionnel, à l’inverse de l’infraction pénale de harcèlement moral.
Selon l’article 222-33-2 du Code pénal, en effet, l’incrimination pénale du harcèlement moral est définie comme le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. L’élément moral ou intentionnel du harcèlement moral au pénal est rapporté dès que l’auteur a conscience d’une possible dégradation des conditions de travail (Cass. crim. 19-6-2018 no 17-86.737 F-D Cass. crim. 22-2-2022 no 21-82.266 F-D). À l’inverse, cet élément ne demande pas pour être caractérisé la démonstration de l’intention de nuire de la part de l’auteur des agissements (Cass. crim. 13-11-2019 no 18-85.367 FS-D).
De son côté, l’article L 1152-1 du Code du travail ne s’attache qu’à la nature des agissements qu’il désigne (agissements répétés) et à leurs effets : dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Et le harcèlement moral au travail est constitué, indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel (Cass. soc. 10-11-2009 no 08-41.497 FS-PBR; Cass. soc. 23-11-2011 no 10-18.195 F-D). C’est bien cette distinction qui était au cœur de l’arrêt de la Cour de cassation.
L’employeur a été relaxé pour défaut d’élément intentionnel
Partant de cette différence, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur. Elle relève en effet que, selon les constats de la Cour d’appel, le jugement du Tribunal correctionnel, qui avait retenu que certains comportements de l’employeur apparaissaient relever davantage d’une mauvaise gestion du personnel ou d’un contentieux prud’homal que d’un harcèlement pénalement condamnable, était fondé également sur le défaut d’élément intentionnel.
Aussi, la décision de relaxe prononcée au bénéfice des personnes poursuivies pour harcèlement moral reposant sur cette absence d’élément intentionnel, la Cour d’appel pouvait, sans violer le principe de la contradiction, retenir des faits de harcèlement moral caractérisés par des méthodes de management inappropriées de la part de l’employeur.
De cette décision, on pourrait donc tirer la méthodologie suivante au regard de l’autorité de la chose jugée de la décision au pénal par rapport au juge civil :
• si la relaxe pour harcèlement moral est motivée par l’absence d'élément matériel (faits condamnables), le juge civil sera lié par la décision du juge pénal;
• si, au contraire, cette relaxe est motivée par l’absence d’élément intentionnel (conscience de la dégradation des conditions de travail), le juge civil retrouve une marge d’appréciation sur l’existence d’agissements répétés ou non et sur leurs effets pour le salarié.
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