Salariés, vous avez peut-être un projet de création d’entreprise. Avant de vous lancer, soyez vigilants et consultez éventuellement un Avocat en droit du travail qui saura vous conseiller.
En effet, les points de vigilance sont notamment les suivants.
1. Respect de l’obligation de loyauté du salarié
Le salarié reste tenu à une
obligation de loyauté envers son
employeur, même en l'absence de clause expresse dans son contrat de travail. Cette obligation interdit notamment toute concurrence à l’égard de l’employeur pendant la durée du contrat.
L’obligation de non-concurrence de plein droit qui pèse sur le salarié pendant la durée du contrat de travail lui interdit de développer, directement ou indirectement, tout acte de concurrence pour son propre compte ou pour celui d’un tiers.
La création d'une entreprise directement concurrente à celle de son employeur constitue une faute grave, même en l'absence de détournement de clientèle ou de manœuvres déloyales (Cass. soc. 9-7-2014 n° 13-12.423).
La jurisprudence sanctionne l'exercice par le salarié d'une activité concurrente à celle de son employeur, la création d'une entreprise concurrente, ainsi que, le cas échéant, l'acquisition d'actions d'une société concurrente.
Un manquement du salarié à l’obligation de
loyauté pendant la durée du contrat constitue un motif réel et sérieux de
licenciement et dans la plupart des cas, justifie un licenciement pour faute grave, voire pour faute lourde.
La jurisprudence témoigne de la diversité des comportements sanctionnés pour violation de son obligation de non- concurrence par le salarié. La sanction sera fonction de l’atteinte portée aux intérêts de l’entreprise, l’obligation de non- concurrence présentant une intensité variable selon le niveau de qualification professionnelle du salarié et la nature des actes accomplis.
La notion d’activité concurrente est soumise à l’appréciation des juges du fond qui selon les pièces versées aux débats par les parties vont juger si oui ou non l’activité créée ou reprise par le salarié est concurrente de celle de son employeur ou susceptible de la concurrencer.
Exemples de licenciements validés par les juges
▪️
Licenciement pour faute grave
validé pour la participation d'un directeur régional aux activités d'au moins deux sociétés concurrentes ayant consisté dans une assistance commerciale avec représentation auprès de certains clients et une assistance technique avec intervention dans le recrutement des collaborateurs et la constitution des équipes (Cass. soc. 4 avril 2001 n° 98-46.135),
▪️
Licenciement pour faute grave
pour la tentative de commercialisation d'un produit concurrent des activités de l'employeur par un cadre de haut niveau, même si le produit litigieux n'a par la suite pas été commercialisé (Cass. soc. 13 février 2013 n° 11-27.902),
▪️
Licenciement pour faute grave
pour la détention de parts dans une société ayant une activité susceptible de concurrencer l'employeur, en violation du contrat de travail, et collaboration étroite avec le gérant de cette société (Cass. soc. 11 mars 2008 n° 06-44.467),
▪️
Licenciement pour faute grave
pour la détention de parts d'une société concurrente de celle de l'employeur et concours actif apporté à celle-ci (négociation avec le principal client de l'employeur de l'obtention gracieuse de matériel au profit de cette société, ainsi que de son référencement), bien que le contrat de travail interdise au salarié de s'intéresser directement ou indirectement à toute affaire susceptible de concurrencer l'employeur (CA Versailles 21 mai 2010 n° 09/01694 17e ch.),
▪️
Licenciement pour faute grave
pour un directeur de développement pour son implication dans une société concurrente même non créée par lui, démarchage de salariés et récupération de certains clients (CA Douai, Sociale B 20 décembre 2024, n°22/01691),
▪️
Licenciement pour faute grave
d’un salarié fondé, à titre principal, sur le grief résultant de l'immatriculation d'une entreprise individuelle, sous le code APE 8121 Z visant le nettoyage courant des bâtiments, et par conséquent sur le non-respect de l'obligation contractuelle de loyauté par un acte volontaire de concurrence directe à la société employeur (la Cour se fondant notamment sur les extraits du site sociétés.com indiquant l’objet de la société et le fait qu’elles détenaient toutes deux le même code APE) (Cour d'appel de Nîmes - 5ème chambre sociale 1 avril 2025 / n° 22/01916),
▪️
Dans un arrêt du 10 avril 2025,
la Cour d’Appel de Paris valide le licenciement pour faute grave d’une directrice commerciale d’une société exerçant dans le domaine de l’organisation d’évènements culturels et artistiques. Observation intéressante : une autorisation de créer et de développer une activité lui avait été octroyée par l'employeur précisant que si seulement un évènement ne pouvait pas être pris en charge par l’employeur, alors la salariée pourrait le traiter via sa structure. Or, s’il est établi que la salariée avait respecté le périmètre de cette autorisation pour certains clients, elle avait manqué à ses obligations contractuelles pour d’autres (CA Paris Pôle 6 - Chambre 7 10 avril 2025 / n° 22/01358).
Par ailleurs, s’agissant de la Société nouvellement créée, l’employeur peut en parallèle envisager d’entamer une action pour concurrence déloyale à son encontre devant le Tribunal de Commerce.
L’obligation de loyauté demeure même si la clause d’exclusivité du contrat cesse d’être opposable lors de la création d’entreprise (voir ci-dessous).
2. Présence d’une clause d’exclusivité dans le contrat de travail
Si le contrat de travail comporte une clause d’exclusivité, celle-ci interdit en principe toute autre activité professionnelle. Cependant, cette clause n’est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche et proportionnée au but recherché.
En outre, l’article L 1222-5 du Code du travail prévoit que l'employeur ne peut opposer aucune clause d'exclusivité pendant une durée d'un an au salarié qui crée ou reprend une entreprise, même en présence de stipulation contractuelle ou conventionnelle contraire.
Ce même article rappelle néanmoins que « le salarié reste soumis à l'obligation de loyauté à l'égard de son employeur ».
Au terme de la durée d'inopposabilité d’un an, la clause redevient applicable.
Le salarié tenu par une telle clause d’exclusivité doit, s'il souhaite rester dans les liens du contrat de travail, renoncer à son activité de créateur ou repreneur d'entreprise. À défaut, il s'expose à un licenciement pour faute grave. L'article vise en effet à favoriser le démarrage de l'activité indépendante, et non à permettre son exercice durable en parallèle avec l'activité salariée.
Si en conséquence, tout salarié peut créer ou reprendre une entreprise malgré une clause contractuelle d’exclusivité, et ce pendant un an, il reste lié à son obligation de loyauté et ne peut donc pas créer une société dont l’activité est concurrente sans autorisation de l’employeur.
A ce titre, la Cour de Cassation a jugé que « la Cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que le salarié ayant, alors qu'il était au service de son employeur et sans l'en informer, créé une société dont l'activité était directement concurrente de la sienne, avait manqué à son obligation de loyauté, peu important que des actes de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle soient ou non établis, ce dont elle a pu déduire que ces faits étaient constitutifs d'une faute grave » (Cass 30 novembre 2017, n°16-14541).
3. Application des clauses de confidentialité et de discrétion
Le salarié doit continuer à respecter toute clause de confidentialité ou de discrétion, pendant et même après la rupture du contrat. La violation de cette obligation peut entraîner la responsabilité du salarié et l’obligation de réparer le préjudice subi par l’employeur ("une clause de confidentialité destinée à protéger le savoir-faire de l'entreprise peut interdire au salarié de divulguer des informations obtenues lors de l'exécution du contrat. Elle n'ouvre pas droit à une contrepartie financière ( Cass. soc. 15-10-2014 n° 13-11-524; 3-5-2018 n° 16-25.067).
4. Recommandations
Il est conseillé d’informer l’employeur du projet de création d’une entreprise même non concurrente, de plus fort si cela est prévu dans le contrat de travail, notamment au regard de l’obligation de loyauté.