Manquements de l’employeur et action de groupe des salariés

Publié le :

par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris

Action de groupe des salariés et manquements de l’employeur

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Faisons le point sur ce nouveau mécanisme.

1- Principes généraux et champ d’application

Depuis le 3 mai 2025, date d’entrée en vigueur de la loi n°2025-391 du 30 avril 2025, un régime unique de l’action de groupe s’applique à l’ensemble des domaines juridiques (hors santé publique), incluant le domaine des relations de travail.

Ce nouveau régime s’applique aux actions introduites depuis le 3 mai 2025, tandis que les actions intentées avant cette date demeurent régies par l’ancien cadre des articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du Code du travail.

La réforme étend l’action de groupe à tous les manquements de l’employeur et en précise les références (loi du 30-4-2025, art. 16). Son champ d’application est donc très large.

2- Conditions de recevabilité spécifiques au droit du travail

L’action de groupe a pour objet de permettre à un demandeur d’agir en justice pour le compte d’un groupe de salariés placées dans une situation similaire face à un manquement de l'employeur à une obligation légale ou contractuelle afin de demander, non seulement la cessation du manquement mais également, le cas échéant, la réparation du préjudice en résultant pour chacune des personnes du groupe.

Qui peut agir au nom des salariés ?

Les organisations syndicales représentatives peuvent engager l’action de groupe et la réforme a ouvert la voie à des associations agréées dans le régime unifié, selon les modalités de la loi du 30 avril 2025.

Les associations non agréées ne pourront prétendre exercer une action de groupe que si elle tend uniquement à la cessation d’un manquement (et non à la réparation des préjudices en résultant) à condition d’être déclarées depuis au moins deux ans, de justifier d’une activité effective et publique de vingt-quatre mois consécutifs et d’avoir pour objet la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte.

Le demandeur (syndicat ou association) doit, avant tout déclenchement de la procédure, mettre en demeure l’employeur de faire cesser le manquement, par tout moyen conférant date certaine à la demande. C’est une condition préalable obligatoire.

Dans le mois de la demande, l’employeur informe le CSE et les syndicats représentatifs et, à leur demande, engage une discussion sur les mesures de cessation du manquement.

L’action ne peut être engagée qu’à l’issue d’un délai de 6 mois à compter de cette demande ou de la notification de rejet de la demande par l’employeur.

3) Compétence juridictionnelle et incidents procéduraux

Les actions de groupe fondées sur l’article 16 de la loi du 30 avril 2025 sont confiées à des Tribunaux judiciaires spécialement désignés (C. org. jud. art. L 211-15 et D 211-8).

Le Tribunal judiciaire compétent est celui du domicile du défendeur (en pratique siège de la Société en général); Paris est compétent si le défendeur demeure à l’étranger ou sans domicile/résidence connus (CPC art. 849).

Huit Tribunaux judiciaires compétents ont été désignés par le décret 2025-653 du 16 juillet 2025.

Le juge peut rejeter dès l’introduction une action « manifestement infondée », par décision motivée (loi 2025-391, art. 16, I-G; CPC art. 849-2-1).

Le juge de la mise en état peut rejeter d’office les demandes manifestement irrecevables ou infondées, par ordonnance motivée, susceptible d’appel dans les 15 jours (CPC art. 849-2-1).

4) Déroulement de l’action et modalités de réparation

Cette action permet de demander non seulement la reconnaissance d’un manquement et sa cessation, mais la réparation des préjudices subis par les salariés du fait de ce manquement. Contrairement à l’action dans l’intérêt collectif, ces derniers n’ont pas à former une action en parallèle devant le Conseil de Prud’hommes pour obtenir la régularisation de leur situation individuelle par l’employeur.
S’il reconnaît la responsabilité, le juge va dans son jugement :

  • définir le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité est engagée en fixant des critères de rattachement ainsi que les préjudices devant faire l’objet d’une réparation pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe ainsi défini ;
  • déterminer, lorsque les éléments produits et la nature des préjudices le permettent, les montants ou les éléments permettant l’évaluation des préjudices ;
  • ordonner au défendeur de mettre en œuvre des mesures de publicité destinées à permettre aux personnes susceptibles d’avoir subi un dommage du fait du manquement constaté ;
  • fixer le délai dans lequel les personnes susceptibles de faire partie du groupe défini par le jugement peuvent formuler une demande de réparation. Le juge dispose d’une grande liberté dans la détermination de ce délai, celui-ci pouvant varier entre deux mois et cinq ans à compter de l’achèvement des formalités de publicité ;
  • fixer le délai dont dispose le défendeur condamné pour procéder à une indemnisation ainsi que le délai dont disposent les personnes qui se sont vues refuser leurs demandes d’indemnisation pour le saisir de demandes individuelles.

Le juge peut autrement décider, à la demande du syndicat et si la nature des préjudices le permet, d’une procédure de réparation collective négociée; cette procédure n’est pas ouverte pour des préjudices résultant de dommages corporels. Dans ce cadre, le juge habilite le syndicat à négocier, fixe l’adhésion au groupe, détermine le montant ou les éléments d’évaluation des préjudices par catégories, et fixe un délai (≥ 6 mois) au-delà duquel, en l’absence d’accord, il statue sur les préjudices.

L’adhésion au groupe vaut mandat au profit du demandeur pour l’indemnisation, l’homologation de l’accord, et, le cas échéant, l’exécution forcée.

L’accord, éventuellement partiel, est soumis au juge pour homologation; le juge refuse si les intérêts sont insuffisamment préservés et peut renvoyer à la négociation.

Le juge peut mettre des mesures de publicité à la charge du défendeur ou du demandeur; en cas d’inexécution, elles sont mises en œuvre par la partie adverse aux frais de la partie défaillante (CPC art. 849-2-2).

5) Prescription et effets de la décision

L’action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés ou des faits retenus dans l’accord homologué.

Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée au moins égale à 6 mois, à compter de la date à laquelle le jugement n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi, ou à compter de l’homologation de l’accord.

Le jugement sur la responsabilité et celui homologuant l’accord ont autorité de chose jugée envers les membres du groupe dont le préjudice a été réparé; une autre action de groupe fondée sur le même fait générateur, le même manquement et les mêmes préjudices n’est pas recevable.

L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle à une action individuelle pour réparer des préjudices hors champ du jugement ou de l’accord.

En synthèse, l’action de groupe en droit du travail (discriminations comprises) est désormais encadrée par un régime unifié depuis le 3 mai 2025, avec une mise en demeure préalable obligatoire, une compétence de tribunaux judiciaires désignés, des possibilités d’indemnisation individuelle ou de réparation collective homologuée, des effets procéduraux forts sur la prescription et la portée des décisions, et une nouvelle sanction civile ciblant les manquements délibérés procurant un gain indu, sous les conditions et limites posées par l’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 et les textes d’application de 2025.

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