par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris 8
Le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a considéré, le 23 mars dernier, que le dispositif dit du « Barème Macron » n’était pas conforme à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne (CSE).
Cette décision n'a pas encore été publiée mais une partie de la motivation de la décision a été révélée très récemment par voie de presse.
Rappel du contexte:
Par deux arrêts du 11 mai 2022 (n°21-15247 er 21-14190), la Cour de Cassation a jugé qu'il appartient au juge de déterminer l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en respectant, dans tous les cas, les montants minimaux et maximaux fixés au barème légal. La Cour de Cassation entendait ainsi mettre fin à plusieurs années de bataille judiciaire, certains juges du fond écartant le barème considérant, dans certains cas, que le barème ne permettait pas de verser au salarié une indemnité adéquate au regard de sa situation propre (voir notre précédent article sur le licenciement abusif).
Pour la Cour de Cassation, le juge ne peut en aucun cas s'écarter du barème.
Pour rappel, ce barème, introduit à l'article L 1235-3 du Code du travail par l'ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, et applicable aux licenciements prononcés depuis le 24 septembre de cette même année, détermine l'indemnité que doit verser l'employeur à un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse par le Conseil de Prud'hommes : son montant est compris entre un minimum et un maximum, variant en fonction de l'ancienneté du salarié, le minimum étant moins élevé pour les 10 premières années d'ancienneté si l'employeur occupe moins de 11 salariés ; le maximum est fixé à 20 mois de salaire pour les salariés ayant au moins 29 ans d'ancienneté.
Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt n° 21-15.247, une salariée reprochait à la cour d'appel de Nancy de ne pas avoir reconnu d'effet direct à l'article 24 de la Charte sociale européenne (CA Nancy 15-2-2021 n° 19/01306). Elle soutenait qu'un effet direct ayant été reconnu à l'article 10 de la Convention 158 de l'OIT, il devait en être de même de cet article de la Charte dans la mesure où il est rédigé d'une manière assez similaire.
Pour la Cour de Cassation, cet argument est sans effet. Après avoir analysé la Charte, elle en conclut que celle-ci, contrairement à la Convention 158 de l'OIT, repose sur une logique programmatique : elle réclame des États qu'ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu'elle leur fixe. Elle ajoute que le contrôle du respect de la Charte est réservé au Comité européen des droits sociaux (CEDS).
Par conséquent, elle décide que les employeurs et les salariés ne peuvent pas se prévaloir de l'article 24 de la Charte sociale européenne devant le juge en charge de trancher leur litige et que son invocation ne peut pas conduire à écarter l'application du barème.
Décision du Comité européen des droits sociaux
Le CEDS, organe en charge de l'interprétation de la Charte des droits sociaux, a été saisi de réclamations à l'encontre du « barème Macron » par des organisations syndicales.
La Cour de cassation, anticipant la décision du 23 mars 2022 qui, rappelons-le n'a pas encore été publiée, a pris le soin de préciser, dans le communiqué accompagnant l'arrêt du 11 mai 2022, que les décisions que prendra cette instance ne produiront aucun effet contraignant, mais que, toutefois, les recommandations qui y seront formulées seront adressées au Gouvernement français.
C'est dans ce contexte donc que le Comité Européen des Droits Sociaux (CEDS) a considéré, le 23 mars dernier, que le dispositif français n’était pas conforme à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne (CSE). Une partie de la motivation de la décision – laquelle n’a pas encore été publiée – a été révélée par Julien Icard, Professeur de droit à l’université Panthéon-Assas dans une tribune au Monde.
Selon cette tribune, il apparaît que le CEDS a censuré, à l’unanimité, le dispositif français de barémisation des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce qu’elle viole l’article 24 de la CSE.
Il est important de rappeler que ce texte, bien que considéré comme non applicable en droit français par la Cour de cassation, emploie précisément les mêmes termes que l’article 10 de la convention 158 de l’OIT – « adéquate » et appropriée ». Ainsi, nonobstant le fondement juridique, le raisonnement du Comité est tout à fait pertinent en droit français.
Sur le fond, le Comité estime d’abord que « le juge ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite dans l’examen des circonstances individuelles des licenciements injustifiés. Pour cette raison, le préjudice réel subi par le salarié en question, lié aux circonstances individuelles de l’affaire, peut être négligé et, par conséquent, ne pas être réparé /em>».
Il existe ainsi une véritable divergence de vues entre la juridiction européenne et la Cour de cassation.
Le Comité rouvre le débat sur la définition de la réparation raisonnable. En invoquant « le préjudice réel » et en faisant référence « aux circonstances individuelles », la décision du 23 mars ne propose, ni plus, ni moins que le recours au principe de réparation intégrale du préjudice.
Ainsi, le barème Macron ne propose pas une indemnité raisonnable en ce que la faiblesse de son montant est nécessairement contraire au grand principe précité.
Pour le Comité, la marge de manœuvre donnée au juge est en outre insuffisante et l’indemnité n’est pas dissuasive faute d’être suffisamment élevée.
Conclusion
La décision du CEDS pourra aboutir à des recommandations faites à la France par le conseil des ministres du Conseil de l’Europe. Ces recommandations, dont la force contraignante n’est pas nulle, pourront avoir des répercussions dans notre corpus législatif. Nous pourrons également attendre une résistance des juridictions internes des premier et second degrés. En effet, sans même avoir à revenir sur l’applicabilité ou non de l’article 24, les notions développées par le CEDS pourront être invoquées en ce qu’elles existent dans un autre texte européen (l’article 10 de la Convention OIT) d’application directe en droit interne.
Les débats sont donc loin d’être terminés.
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