En droit du travail, la preuve de la discrimination repose sur un régime probatoire spécifique prévu à l'article L 1134-1 du Code du travail qui vise à faciliter l'établissement de la discrimination par le salarié. Ce régime est conçu pour alléger la charge de la preuve qui pèse sur le salarié, tout en imposant à l'employeur de justifier ses décisions par des éléments objectifs.
Régime probatoire aménagé1. Présentation des éléments de fait par le salarié:
Le salarié qui s'estime victime de discrimination doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ("lorsqu'un salarié (ou un candidat à l'emploi, à un stage ou à une période de formation) s'estime victime d'une mesure discriminatoire, il lui incombe de présenter « des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte »")
Ces éléments peuvent inclure des comparaisons avec d'autres salariés, des attitudes ou comportements inadéquats de l'employeur, ou un blocage de la situation du salarié.
2. Charge de la preuve pour l'employeur:
Une fois que le salarié a présenté des éléments de fait, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
• L'employeur doit démontrer que la différence de traitement est justifiée par des raisons objectives et matériellement vérifiables.
Rôle du Juge
• Le juge forme sa conviction en considérant l'ensemble des éléments de preuve fournis par les parties et peut ordonner, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
• Le juge doit prendre en compte les éléments présentés par le salarié dans leur globalité et non les analyser séparément.
Implications pour le salarié et l'employeur
• Pour le salarié: le régime probatoire allégé permet au salarié de ne pas avoir à prouver la discrimination elle-même, mais seulement de présenter des éléments qui laissent supposer son existence.
• Pour l'employeur: L'employeur doit être prêt à justifier ses décisions par des éléments objectifs et ne peut se contenter de réfutations générales. En cas de carence, le risque de la preuve pèse sur l'employeur (en cas de carence de l'employeur, les juges du fond doivent considérer que la preuve du fait litigieux est rapportée).
Illustration récente
Dans un arrêt du 27 novembre 2024, la Cour de Cassation a jugé qu'une Cour d’appel ne peut pas rejeter les demandes de la salariée au titre d’une discrimination en raison du sexe et de la situation de famille, d’une part sans examiner l’ensemble des éléments invoqués par elle de nature à laisser supposer l’existence d’une telle discrimination, notamment l’absence de proposition d’un entretien professionnel à l’issue d’un congé de maternité et la perception d’un bonus au montant systématiquement inférieur à celui perçu par ses collègues masculins, ainsi que l’absence de perception de tout bonus à compter du retour de son congé de maternité, d’autre part en se fondant sur des motifs relatifs à la durée de son absence en raison de sa maternité et d’un congé parental, motifs impropres à constituer des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du sexe et de la situation de famille (Cass. soc. 27-11-2024 no 23-14.234).