Pour rappel, les salariés soumis à un forfait jours ne voient pas leur durée du travail décomptée en heures (et ne sont donc pas soumis aux 35 heures et au régime classique des heures supplémentaires). Ils doivent travailler un certain nombre de jours dans l'année.
La mise en place des conventions de forfait annuel en jours est subordonnée à la conclusion :
- d'une convention ou d'un accord collectif le prévoyant ;
- d'une convention individuelle de forfait avec chaque salarié concerné (contrat de travail ou avenant).
1) Pour les salariés dépendant de la Convention collective Syntec, le recours et la validité du forfait jours doivent répondre à des conditions bien définies.
L'accord national du 22 juin 1999 (contenu dans la Convention Syntec) modifié dernièrement par un arrêté du 12 juin 2024 est entré en vigueur le 1er juillet 2024, prévoit ainsi que:
- le forfait jours est réservé aux salariés exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales, de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite et de supervision de travaux, disposant d'une large autonomie, liberté et indépendance dans l'organisation et la gestion de leur temps de travail pour exécuter les missions qui leur sont confiées.
Pour pouvoir relever de ces modalités, les salariés doivent obligatoirement disposer de la plus large autonomie d'initiative et assumer la responsabilité pleine et entière du temps qu'ils consacrent à l'accomplissement de leur mission caractérisant la mesure réelle de leur contribution à l'entreprise. Ils doivent donc disposer d'une grande latitude dans leur organisation du travail et la gestion de leur temps.
- ces salariés doivent relever au minimum de la position 2.3 de la grille de classification des cadres de la Convention collective nationale ou bénéficier d'une rémunération annuelle supérieure à deux (2) fois le plafond annuel de la sécurité sociale ou sont mandataires sociaux.
A noter qu'un accord d'entreprise peut déroger à ces conditions (il peut par exemple prévoir que le forfait jours est possible pour les salariés à partir de la position 2.2). Il prévaut alors sur la Convention Syntec. Ici ne sont rappelées que les dispositions Syntec en l'absence d'accord interne dérogatoire.
L'accord du 22 juin 1999 modifié prévoit en outre que la comptabilisation du temps de travail du salarié se fait en jours sur une période de référence annuelle, avec un maximum fixé à 218 jours de travail par an, journée de solidarité incluse, pour un salarié présent sur une année complète et ayant acquis la totalité des droits à congés payés complets, compte non tenu des éventuels jours d'ancienneté conventionnels au titre de l'article 23 de la convention collective et de ceux définis éventuellement par accord d'entreprise, ou par usage et des absences exceptionnelles accordés au titre de l'article 29 de la Convention Collective Nationale.
2) Rémunération
Le salarié doit bénéficier d'une rémunération annuelle au moins égale à 120 % du minimum conventionnel de sa catégorie sur la base d'un forfait annuel de 218 jours travaillés ou sur la base du forfait défini en entreprise.
Le personnel classé en position 2.3 de la grille de classification des cadres doit quant à lui bénéficier d'une rémunération annuelle au moins égale à 122 % du minimum conventionnel de sa catégorie sur la base d'un forfait annuel de 218 jours travaillés ou sur la base du forfait défini en entreprise.
3) Contrôle du décompte des jours travaillés/non travaillés
Le forfait annuel en jours s'accompagne d'un décompte des journées travaillées au moyen d'un suivi objectif, fiable et contradictoire mis en place par l'employeur.
L'employeur est tenu d'établir un document qui doit faire apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre du respect du plafond de 218 jours.
Ce suivi est établi par le-la salarié-e sous le contrôle de l'employeur et il a pour objectif de concourir à préserver la santé du salarié.
4) Suivi de la charge de travail et de l'amplitude des journées de travail, équilibre entre vie privée et vie professionnelle
Afin de garantir le droit à la santé, à la sécurité, au repos et à l'articulation entre vie professionnelle et vie privée, l'employeur du salarié ayant conclu une convention de forfait annuel en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé, de sa charge de travail et de l'amplitude de ses journées de travail.
L'amplitude des journées de travail et la charge de travail des salariés doivent permettre aux salariés de concilier vie professionnelle et vie privée.
Le salarié tient informé son responsable hiérarchique des évènements ou éléments qui accroissent de façon inhabituelle ou anormale sa charge de travail.
Un outil de suivi doit permettre de déclencher une alerte.
En cas de difficulté inhabituelle portant sur ces aspects d'organisation et de charge de travail ou en cas de difficulté liée à l'isolement professionnel du salarié, celui-ci a la possibilité d'émettre, par écrit, une alerte auprès de l'employeur ou de son représentant, qui reçoit le salarié dans les huit (8) jours et formule par écrit les mesures qui seront, le cas échéant, mises en place pour permettre un traitement effectif de la situation. Ces mesures font l'objet d'un compte rendu écrit et d'un suivi.
Par ailleurs, si l'employeur est amené à constater que l'organisation du travail du salarié et/ou que la charge de travail aboutissent à des situations anormales, l'employeur ou son représentant pourra également organiser un rendez-vous avec le salarié.
L'employeur transmet une (1) fois par an à la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) du Comité social et économique (CSE) si elle existe, ou à défaut au CSE s'il existe dans le cadre des dispositions légales et réglementaires, le nombre d'alertes émises par les salariés ainsi que les mesures prises pour pallier ces difficultés.
Il en va de même en cas de situation exceptionnelle intervenant avant l'échéance annuelle
5) Entretiens individuels
Afin de se conformer aux dispositions légales et de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, l'employeur convoque au minimum une (1) fois par an le salarié, ainsi qu'en cas de difficulté inhabituelle, à un entretien individuel spécifique.
Au cours de cet entretien sont évoquées la charge individuelle de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie privée et, enfin, la rémunération du salarié. Lors de cet entretien, le salarié et son employeur font le bilan des modalités d'organisation du travail du salarié, de la durée des trajets professionnels, de sa charge individuelle de travail, de l'amplitude des journées de travail, de l'état des jours non travaillés pris et non pris à la date des entretiens et l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
Au regard des constats effectués, le salarié et son responsable hiérarchique arrêtent ensemble les mesures de prévention et de règlement des difficultés (lissage sur une plus grande période, répartition de la charge, etc.). Les solutions et mesures sont alors consignées dans le compte rendu de cet entretien annuel. Le salarié et le responsable hiérarchique examinent si possible également à l'occasion de cet entretien la charge de travail prévisible sur la période à venir et les adaptations éventuellement nécessaires en termes d'organisation du travail.
6) Conséquences en cas de non respect de ces formalités
En cas de non respect du suivi et de la charge de travail, et notamment en l'absence d'entretien annuel, le forfait est alors jugé privé d'effet et le salarié est en droit de réclamer le paiement de ses heures supplémentaires sur les 3 dernières années (les jours de repos étant à déduire).
La rémunération d'un salarié soumis à ce type d'aménagement du temps de travail est plus élevée.
En cas de condamnation, les employeurs doivent procéder au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires calculé sur une rémunération de référence qui est, de facto, plus élevée sur une base 151,67 heures par mois.
Cette rémunération peut-elle être avancée comme incluant déjà un paiement d'heures supplémentaires ?
La Cour de cassation a répondu récemment par la négative.
Elle a jugé : "après avoir retenu que la convention de forfait en jours était inopposable au salarié et énoncé à bon droit que le versement d’un salaire supérieur au minimum conventionnel ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires, la cour d’appel a souverainement évalué l’importance des heures supplémentaires et fixé les créances salariales s’y rapportant." (Cass. soc., 6 novembre 2024, 23-13.120).
Notre cabinet dédié au droit du travail se tient à votre disposition pour évaluer avec vous les enjeux et vous aider à formuler une demande de rappel d'heures supplémentaires.