Transfert de mails professionnels vers une messagerie personnelle : ce que salariés et employeurs doivent savoir

Publié le :

par Aurélie ARNAUD – Cabinet 2A Avocat
Avocat en droit du travail Paris



Transfert de mails professionnels vers une messagerie personnelle

Image de freepik

1) Principes généraux

Les e-mails émis ou reçus au moyen de la messagerie mise à disposition pour le travail sont présumés professionnels, sauf mention explicite « personnel ». Cette présomption conditionne le droit de consultation par l’employeur et les modalités de preuve en matière disciplinaire.

À l’inverse, les e-mails envoyés ou reçus via la messagerie personnelle du salarié (distincte de la messagerie professionnelle) relèvent de la vie privée et sont couverts par le secret des correspondances.

2) Transfert vers une messagerie personnelle : qualification et enjeux

Le transfert d’e-mails professionnels vers une boîte personnelle soulève des risques de sécurité et de confidentialité : perte, fuite, accès non autorisé. Les employeurs ont intérêt à encadrer ces usages dans une charte ou un règlement interne (par exemple, interdiction des transferts, consignes de chiffrement, procédures de télétravail), et à prévoir des mesures techniques (alertes internes en cas de transfert, DLP, etc.).

Point RGPD. Les e-mails professionnels peuvent contenir des données personnelles (clients, collègues, fournisseurs), des informations confidentielles ou sensibles. Un transfert vers une messagerie personnelle peut constituer une violation du RGPD et exposer à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

3) Jurisprudence récente : pas de faute grave automatique

Dans un arrêt du 9 avril 2025 (Cass. soc., n° 24-12.055), une salariée licenciée pour faute grave pour s’être envoyée des documents confidentiels sur sa boîte personnelle (motif : manquement aux règles de sécurité/confidentialité) a finalement obtenu gain de cause : la Cour d’appel, suivie par la Cour de cassation, a jugé l’absence de faute grave et même l’absence de cause réelle et sérieuse, car :

  • aucune intention de communiquer les documents à des tiers extérieurs n’était caractérisée ;
  • l’intéressée bénéficiait d’une grande ancienneté sans passif disciplinaire.

À retenir : le transfert en lui-même n’est pas automatiquement fautif. Tout dépend de l’usage et de la finalité. Un transfert visant à capter une clientèle ou à préparer une activité concurrente pourrait, lui, justifier un licenciement pour faute grave. À l’inverse, un transfert motivé par l’exercice du droit à la preuve peut être apprécié différemment.

4) Données personnelles et droit à la preuve

Par deux arrêts majeurs (25 novembre 2020, n° 17-19.523 et 22 décembre 2023, n° 20-20.648), la Cour de cassation admet la recevabilité de preuves obtenues de façon illicite ou déloyale après mise en balance entre l’intérêt probatoire et l’atteinte portée aux droits en cause.

  • Motif légitime : la production doit être justifiée par un objectif probatoire sérieux ;
  • Indispensabilité : la preuve doit être indispensable (souvent l’unique moyen d’établir le fait allégué) ;
  • Proportionnalité : l’atteinte (souvent à la vie privée) ne doit pas être disproportionnée au but poursuivi.

En outre, par un arrêt du 18 juin 2025 (n° 23-19.022), la Cour de cassation rappelle que les courriels professionnels sont des données à caractère personnel : le salarié peut exercer un droit d’accès, et l’employeur doit communiquer contenu et métadonnées (horodatage, destinataires…), sauf si cela porte atteinte aux droits et libertés d’autrui (ex. secret des affaires).

Prudence pratique : lorsque c’est possible, le salarié a intérêt à solliciter officiellement une copie des courriels auprès de l’employeur (droit d’accès) plutôt que de procéder à des transferts, sauf à pouvoir démontrer l’exercice de son droit à la preuve selon les critères ci-dessus.

5) Bonnes pratiques & accompagnement

  • Employeurs : mettez à jour votre charte informatique (usage de la messagerie, interdictions/permissions, télétravail), formalisez des procédures de droit d’accès et de conservation des preuves, et renforcez les garde-fous techniques (DLP, alertes).
  • Salariés : avant tout transfert, évaluez le risque (RGPD/confidentialité). En cas de litige, privilégiez une demande de copie fondée sur le droit d’accès ou, si nécessaire, constituez une preuve en respectant les critères de légitimité, d’indispensabilité et de proportionnalité.

Besoin d’un avis sur votre situation ? Le Cabinet 2A Avocat, spécialiste en droit du travail à Paris, accompagne les salariés et conseille les employeurs sur la preuve, la confidentialité et le RGPD.

Contactez-nous

01.89.86.44.94




CONTACTEZ-NOUS

01.89.86.44.94




CONSULTATIONS

Pour toute question ou problématique que vous rencontrez, vous pouvez prendre rendez-vous en cabinet ou fixer un rendez-vous à distance (Zoom, skype ou téléphone) selon votre préférence.

Consulter mon profil Avocat.fr
A propos

2A avocat
Cabinet Spécialiste en Droit du travail et Droit de la Sécurité Sociale

Contact

Cabinet Aurélie ARNAUD E.I.
97 rue de Monceau
75008 Paris

   arnaud@2a-avocat.com

   01 89 86 44 94

Avocat divorce Paris
Conception : Sylvain Mahé – créateur de site web spécialisé en référencement naturel local