Quelles sont les conditions pour muter un salarié ?

Publié le :

par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris



Mutation d’un salarié : conditions de mobilité géographique et clause de mobilité

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1) Principes généraux

Tout changement de lieu de travail ne constitue pas nécessairement une modification du contrat de travail.

En l’absence de clause fixant le lieu de travail et de clause de mobilité, c’est le « changement de secteur géographique » qui fait basculer vers la modification du contrat, apprécié par les juges au regard d’éléments objectifs (bassin d’emploi, distance, desserte transports, réseau routier, conditions de circulation, etc.). Rappelons que toute modification du contrat de travail impose l’accord du salarié. L’enjeu est donc important pour le salarié et pour l’ employeur.

Néanmoins, en présence d’une clause de mobilité valable, l’ employeur peut muter le salarié sans solliciter son accord pour le seul changement de lieu de travail, sous réserve d’une mise en œuvre de bonne foi et proportionnée aux buts recherchés.

2) Sans clause de mobilité : la notion de « secteur géographique »

Le critère déterminant est l’appartenance ou non du nouveau site au même secteur géographique que le précédent, apprécié notamment via le bassin d’emploi, la distance, la desserte transports, le réseau routier et les conditions de circulation.

Les frais supplémentaires engendrés par l’usage du véhicule personnel peuvent être pris en compte pour délimiter le secteur géographique (Cass. soc., 24-1-2024, n° 22-19.752).

Illustrations récentes et convergentes de la jurisprudence sur le secteur géographique : écart de 35 km sans transports faciles et frais supplémentaires pris en compte (Cass. soc., 24 janv. 2024, n° 22-19.752), ou encore appartenance ou non au même bassin d’emploi selon la distance et la desserte.

Si le nouveau site est dans le même secteur géographique, il s’agit d’un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction ; sinon, c’est une modification du contrat exigeant l’accord du salarié.

En outre, il sera précisé que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a simple valeur d’information, sauf s’il est stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. Ainsi, la mutation d’un salarié est subordonnée à son accord préalable dans deux situations :

  • lorsqu’elle implique un changement de secteur géographique (Cass. soc. 3-5-2006 n° 04-41.880 F-PB : RJS 7/06 n° 808 ; Cass. soc. 17-2-2021 n° 19-22.013 F-D : RJS 5/21 n° 258), sauf clause de mobilité plus large ;
  • ou si le lieu de travail a été contractualisé par une clause prévoyant de manière claire et précise que le travail s’exécute exclusivement en un lieu déterminé (Cass. soc. 3-6-2003 n° 01-40.376 FP-PBRI et 01-43.573 FP-PBRI : RJS 8-9/03 n° 980 ; Cass. soc. 15-3-2006 n° 02-46.496 F-PB : RJS 6/06 n° 684).

Ces règles viennent d’être rappelées dans un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2025 (n° 23-21593). Dans cette affaire, le contrat de travail d’un agent de service exerçant une activité de nettoyage industriel avait été transféré à une nouvelle société. Les parties avaient conclu un avenant relatif à la durée hebdomadaire du travail, mentionnant un lieu d’exécution du travail. Le salarié ayant refusé de signer deux avenants postérieurs l’affectant sur d’autres sites, l’employeur a cessé de lui verser son salaire.

La cour d’appel, statuant en référé, a donné raison au salarié : elle a considéré que le lieu de travail avait été contractualisé par les parties. À tort, selon la Cour de cassation : l’avenant au contrat mentionnait, certes, un lieu de travail, mais il ne stipulait pas expressément que le salarié exerçait ses fonctions exclusivement dans ce lieu. L’employeur pouvait donc imposer au salarié un autre lieu de travail, dès lors que celui-ci se situait dans la même zone géographique.

3) Avec clause de mobilité : conditions de validité et de mise en œuvre

La clause de mobilité doit définir de façon précise la zone géographique d’application ; à défaut, elle ne permet pas d’imposer la mutation.

La clause n’autorise que le changement de lieu : elle ne peut servir de prétexte à modifier d’autres éléments du contrat (partage du temps entre sites, rémunération, passage jour/nuit) sans l’accord du salarié.

La clause ne permet pas d’imposer un changement d’employeur, ni une mutation dans une autre entité juridiquement indépendante.

L’employeur doit respecter un délai de prévenance et les obligations conventionnelles lors de la mise en œuvre.

La mise en œuvre doit être de bonne foi, en tenant compte de la vie personnelle et familiale et en vérifiant la justification par la tâche et la proportionnalité de l’atteinte alléguée.

Lorsque la mutation rend l’accès au nouveau site impossible par absence de transports en commun, l’employeur commet un abus de son pouvoir de direction, même si une clause de mobilité existe.

4) Droits fondamentaux et limites au pouvoir de direction

Le respect des droits fondamentaux encadre la mutation : le salarié peut refuser un changement relevant normalement des conditions de travail s’il porte une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale, ce qui oblige le juge à un contrôle de justification et de proportionnalité.

Ce contrôle s’impose aussi en présence d’une clause de mobilité, le juge devant rechercher concrètement l’atteinte, sa justification par la tâche et sa proportion au but poursuivi.

5) Conséquences du refus du salarié

En présence d’une clause de mobilité valable et mise en œuvre régulièrement, le refus peut justifier un licenciement pour faute, parfois, mais pas nécessairement, qualifiée de grave, sauf atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux.

Si la mutation s’accompagne de la modification d’un autre élément du contrat (rémunération, horaires avec passage jour/nuit), l’accord du salarié est requis et son refus ne constitue pas une faute disciplinaire en soi.

6) Synthèse opérationnelle : conditions à vérifier avant de muter

  • Existence et validité d’une clause de mobilité définissant précisément la zone de mobilité, ou, à défaut, appréciation du « secteur géographique » (bassin d’emploi, distance, transports, coûts, circulation) ;
  • Mise en œuvre de bonne foi : délai de prévenance, absence d’abus, prise en compte de la vie personnelle et familiale, justification par la tâche et proportionnalité de l’atteinte alléguée ;
  • Limites matérielles : uniquement le lieu de travail ; aucune modification concomitante d’éléments essentiels ;
  • Accessibilité du nouveau site : en cas d’inaccessibilité par transports en commun, la mutation peut caractériser un abus de pouvoir de direction même avec clause de mobilité ;
  • Conséquences du refus : faute pouvant justifier un licenciement si la clause est valable et la mise en œuvre régulière, mais pas nécessairement faute grave, et possibilité pour le salarié d’invoquer ses droits fondamentaux en cas d’atteinte excessive.

7) Points d’attention pratiques

La bonne foi contractuelle est présumée, et il appartient au salarié de démontrer un usage abusif de la clause ou des motifs étrangers à l’intérêt de l’entreprise.

Le respect des droits fondamentaux peut faire requalifier un simple changement des conditions de travail en modification du contrat, ou excuser un refus qui ne saurait justifier un licenciement disciplinaire.

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