Publié le :
par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris
Tout changement de lieu de travail ne constitue pas nécessairement une modification du contrat de travail.
En l’absence de clause fixant le lieu de travail et de clause de mobilité, c’est le « changement de secteur géographique » qui fait basculer vers la modification du contrat, apprécié par les juges au regard d’éléments objectifs (bassin d’emploi, distance, desserte transports, réseau routier, conditions de circulation, etc.). Rappelons que toute modification du contrat de travail impose l’accord du salarié. L’enjeu est donc important pour le salarié et pour l’ employeur.
Néanmoins, en présence d’une clause de mobilité valable, l’ employeur peut muter le salarié sans solliciter son accord pour le seul changement de lieu de travail, sous réserve d’une mise en œuvre de bonne foi et proportionnée aux buts recherchés.
Le critère déterminant est l’appartenance ou non du nouveau site au même secteur géographique que le précédent, apprécié notamment via le bassin d’emploi, la distance, la desserte transports, le réseau routier et les conditions de circulation.
Les frais supplémentaires engendrés par l’usage du véhicule personnel peuvent être pris en compte pour délimiter le secteur géographique (Cass. soc., 24-1-2024, n° 22-19.752).
Illustrations récentes et convergentes de la jurisprudence sur le secteur géographique : écart de 35 km sans transports faciles et frais supplémentaires pris en compte (Cass. soc., 24 janv. 2024, n° 22-19.752), ou encore appartenance ou non au même bassin d’emploi selon la distance et la desserte.
Si le nouveau site est dans le même secteur géographique, il s’agit d’un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction ; sinon, c’est une modification du contrat exigeant l’accord du salarié.
En outre, il sera précisé que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a simple valeur d’information, sauf s’il est stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. Ainsi, la mutation d’un salarié est subordonnée à son accord préalable dans deux situations :
Ces règles viennent d’être rappelées dans un arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 2025 (n° 23-21593). Dans cette affaire, le contrat de travail d’un agent de service exerçant une activité de nettoyage industriel avait été transféré à une nouvelle société. Les parties avaient conclu un avenant relatif à la durée hebdomadaire du travail, mentionnant un lieu d’exécution du travail. Le salarié ayant refusé de signer deux avenants postérieurs l’affectant sur d’autres sites, l’employeur a cessé de lui verser son salaire.
La cour d’appel, statuant en référé, a donné raison au salarié : elle a considéré que le lieu de travail avait été contractualisé par les parties. À tort, selon la Cour de cassation : l’avenant au contrat mentionnait, certes, un lieu de travail, mais il ne stipulait pas expressément que le salarié exerçait ses fonctions exclusivement dans ce lieu. L’employeur pouvait donc imposer au salarié un autre lieu de travail, dès lors que celui-ci se situait dans la même zone géographique.
La clause de mobilité doit définir de façon précise la zone géographique d’application ; à défaut, elle ne permet pas d’imposer la mutation.
La clause n’autorise que le changement de lieu : elle ne peut servir de prétexte à modifier d’autres éléments du contrat (partage du temps entre sites, rémunération, passage jour/nuit) sans l’accord du salarié.
La clause ne permet pas d’imposer un changement d’employeur, ni une mutation dans une autre entité juridiquement indépendante.
L’employeur doit respecter un délai de prévenance et les obligations conventionnelles lors de la mise en œuvre.
La mise en œuvre doit être de bonne foi, en tenant compte de la vie personnelle et familiale et en vérifiant la justification par la tâche et la proportionnalité de l’atteinte alléguée.
Lorsque la mutation rend l’accès au nouveau site impossible par absence de transports en commun, l’employeur commet un abus de son pouvoir de direction, même si une clause de mobilité existe.
Le respect des droits fondamentaux encadre la mutation : le salarié peut refuser un changement relevant normalement des conditions de travail s’il porte une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale, ce qui oblige le juge à un contrôle de justification et de proportionnalité.
Ce contrôle s’impose aussi en présence d’une clause de mobilité, le juge devant rechercher concrètement l’atteinte, sa justification par la tâche et sa proportion au but poursuivi.
En présence d’une clause de mobilité valable et mise en œuvre régulièrement, le refus peut justifier un licenciement pour faute, parfois, mais pas nécessairement, qualifiée de grave, sauf atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux.
Si la mutation s’accompagne de la modification d’un autre élément du contrat (rémunération, horaires avec passage jour/nuit), l’accord du salarié est requis et son refus ne constitue pas une faute disciplinaire en soi.
La bonne foi contractuelle est présumée, et il appartient au salarié de démontrer un usage abusif de la clause ou des motifs étrangers à l’intérêt de l’entreprise.
Le respect des droits fondamentaux peut faire requalifier un simple changement des conditions de travail en modification du contrat, ou excuser un refus qui ne saurait justifier un licenciement disciplinaire.
Pour toute question ou problématique que vous rencontrez, vous pouvez prendre rendez-vous en cabinet ou fixer un rendez-vous à distance (Zoom, skype ou téléphone) selon votre préférence.
2A avocat
Cabinet Spécialiste en Droit du travail et Droit de la Sécurité Sociale
Cabinet Aurélie ARNAUD E.I.
97 rue de Monceau
75008 Paris
arnaud@2a-avocat.com
01 89 86 44 94