Le harcèlement moral au travail reste un enjeu majeur pour les salariés et les employeurs. Les règles de preuve ont évolué, modifiant les responsabilités de chacun.
Cet article fait le point sur les dernières avancées juridiques et leurs implications pratiques.
Les éléments constitutifs du harcèlement moral en 2025
Le harcèlement moral est défini par l'article L 1152-1 du Code du travail, aux termes duquel aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.Ainsi, il résulte de ce texte que le harcèlement moral se caractérise essentiellement par la dégradation des conditions de travail résultant d'actes répétitifs (non définis) susceptibles d'avoir des conséquences dommageables sur le plan professionnel ou sur la santé de la victime, l'auteur du harcèlement important peu dès lors qu'il survient dans le cadre professionnel.
Ces agissements peuvent prendre diverses formes et impacter significativement la santé physique ou mentale de la victime.
Points qui font la différence :
- Des propos ou comportements répétés
- Une atteinte à la dignité ou à la santé du salarié
- Une dégradation des conditions de travail
- L'intention de l'auteur n'est pas nécessaire pour caractériser le harcèlement
L'impact du harcèlement sur les conditions de travail
Le harcèlement moral transforme profondément l'environnement professionnel de la victime. Cette dégradation se manifeste souvent parAvant le harcèlement | Après le harcèlement |
---|---|
Autonomie dans les tâches | Surveillance excessive |
Communication fluide | Isolement professionnel |
Reconnaissance du travail | Critiques systématiques |
Missions en adéquation avec les compétences | Tâches dévalorisantes ou impossibles à réaliser |
La charge de la preuve dans les affaires de harcèlement moral
La preuve en matière de harcèlement moral en droit du travail repose sur un régime probatoire spécifique régi par l'article L. 1154-1 du Code du travail.Le législateur a mis en place un système qui vise à faciliter l'action des victimes tout en préservant les droits de la défense.
Voici comment se répartit la charge de la preuve :
- Pour le salarié: Établissement des faits: Présenter des éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement
- Pour l'employeur: Réfutation - Prouver que les agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement.
- Appréciation finale: Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Cette répartition de la charge de la preuve vise à équilibrer les forces entre le salarié, souvent en position de vulnérabilité, et l'employeur qui dispose généralement de plus de moyens pour établir les faits.
Les éléments de preuve recevables en justice
Dans les affaires de harcèlement moral, divers types de preuves peuvent être présentés devant le Conseil de Prud'hommes. Leur recevabilité et leur force probante varient selon leur nature et les conditions dans lesquelles elles ont été obtenues.- Témoignages de collègues ou de tiers
- Échanges écrits (emails, SMS, notes de service)
- Enregistrements audio ou vidéo (sous certaines conditions)
- Certificats médicaux attestant de l'état de santé
- Rapports d'expertise psychologique ou psychiatrique
- Documents internes à l'entreprise (évaluations, comptes-rendus de réunions)
L'évolution des obligations de l'employeur face au harcèlement
Les responsabilités de l'employeur en matière de harcèlement moral ont connu des changements significatifs.L’employeur, tenu à une obligation de sécurité, doit prévenir le harcèlement moral et prendre les dispositions nécessaires en ce sens. Sa responsabilité ne peut être écartée que s’il a mis en œuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail, notamment des actions d’information et de formation, et a mis fin au harcèlement dès qu’il en a été avisé (Cass. soc. 1-6-2016 no 14-19.702 FS-PBRI; Cass. soc. 5-10-2016 no 15-20.140 F-D).
Au titre de cette obligation, l’employeur est-il obligatoirement tenu de mettre en œuvre une enquête interne dès lors que des faits de harcèlements sont signalés ?
Un arrêt du 12 juin 2024 a donné la réponse: En réponse à une dénonciation de faits de harcèlement, un employeur doit prendre les mesures suffisantes pour prévenir la santé et la sécurité des salariés, sans nécessairement diligenter une enquête interne. (Cass. soc. 12-6-2024 no 23-13.975 FS-B, T. c/ Sté Eservglobal).
En résumé, avant l'arrêt du 12 juin 2024:
- Enquête systématique en cas d'allégation de harcèlement
- Responsabilité en cas d'inaction: automatique
- Mesures attendues: enquête interne principalement
- Appréciation judiciaire centrée sur la réalisation de l'enquête
- Après l'arrêt du 12 juin 2024
- Enquête à l'appréciation de l'employeur
- Responsabilité en cas d'inaction: évaluée selon les mesures prises
- Mesures attendues : diverses actions possibles
- Appréciation judiciaire : globale sur les actions de l'employeur
L'enquête interne : obligation ou option pour l'employeur ?
L'arrêt du 12 juin 2024 a clarifié la position du droit sur l'obligation d'enquête interne en cas d'allégation de harcèlement moral. Désormais, l'enquête n'est plus systématiquement obligatoire, mais reste une option parmi d'autres pour l'employeur.Les points clés de cet arrêt sont :
- L'absence d'enquête n'engage pas automatiquement la responsabilité de l'employeur
- L'employeur doit prendre des mesures "suffisantes" pour préserver la santé et la sécurité des salariés
- L'appréciation des mesures prises se fait au cas par cas par les juges
- D'autres actions que l'enquête peuvent être considérées comme appropriées
Comment agir en cas de harcèlement moral au travail ?
Face à une situation de harcèlement moral, il s'avère primordial d'agir de manière structurée et réfléchie. Voici les étapes à suivre pour constituer un dossier solide et faire valoir vos droits :- Documenter précisément les faits (dates, lieux, personnes présentes)
- Collecter des preuves (emails, témoignages, certificats médicaux)
- Informer l'employeur par écrit de la situation
- Contacter les représentants du personnel ou le médecin du travail
- Consulter un avocat spécialisé en droit du travail
- Saisir l'inspection du travail si nécessaire
- Envisager une action en justice si la situation persiste et en fonction des éléments que vous avez rassemblés.
Pour illustrer concrètement la démarche à suivre, examinons le cas fictif de Mme Dupont, cadre dans une entreprise de services, qui a su constituer un dossier probant face à une situation de harcèlement moral.
Date | Action | Résultat |
---|---|---|
15/01/2025 | Début de la tenue d'un journal détaillé des incidents | Chronologie précise des faits établie |
01/02/2025 | Collecte d'emails et de messages inappropriés | Preuves écrites des agissements |
15/02/2025 | Consultation d'un médecin pour stress au travail | Certificat médical attestant de la dégradation de l'état de santé |
01/03/2025 | Entretien avec les représentants du personnel | Témoignages de collègues recueillis |
15/03/2025 | Envoi d'un courrier recommandé à la direction | Trace écrite de l'alerte donnée à l'employeur |
01/04/2025 | Consultation d'un avocat spécialisé | Analyse du dossier, Stratégie juridique établie |
Les recours juridiques en cas de harcèlement moral avéré
Lorsque le harcèlement moral est établi, plusieurs voies de recours s'offrent à la victime. Chaque option présente des avantages et des inconvénients qu'il convient de peser soigneusement.Type de recours | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Procédure prud'homale | Spécialisée en droit du travail, possibilité d'indemnisation | Procédure parfois longue |
Action pénale | Sanction de l'auteur, reconnaissance publique | Charge de la preuve plus lourde |
Médiation | Rapide, préserve les relations de travail | Nécessite la coopération de toutes les parties |
Transaction confidentielle | Résolution rapide, indemnisation | Renonciation à toute action |
En cas de harcèlement moral reconnu, la victime peut prétendre à différents types d'indemnisation pour réparer le préjudice subi. Les montants varient selon la gravité des faits et leurs conséquences sur la vie professionnelle et personnelle de la victime.
Les principaux types d'indemnités sont :
• Indemnités pour licenciement nul
• Dommages et intérêts pour harcèlement moral / non respect de l'obligation de sécurité
Pour un exemple d'une salariée défendue par le cabinet, voir notre précédent article sur un cas de harcèlement moral au travail.