par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris 8
Par un arrêt du 8 février 2024 (RG 21/04671), la Cour d'Appel de Paris a jugé que l'inaptitude physique ayant conduit au licenciement du salarié était la conséquence du harcèlement moral subi par ce dernier.
Rappel des textes et de la jurisprudence :
- L’employeur est tenu d’une obligation générale de sécurité et de prévention des risques professionnels :
L'article L 4121-1 du Code du travail dispose: l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes".
- L'employeur, tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité et prendre toutes les mesures préventives qui s’imposent. (Cass. Soc 6 janvier 2021, n°19-17299)
Ainsi, le juge ne peut admettre le bien-fondé du licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement sans vérifier si l'employeur n'a pas commis une faute en s'abstenant de prendre les mesures qui auraient prémuni l'intéressé contre la maladie qui a conduit à son inaptitude.
Le licenciement pour inaptitude physique peut ainsi être déclaré sans cause réelle et sérieuse, voire nul selon le cas, alors même que l'impossibilité de reclassement serait établie, si cette inaptitude a pour origine une faute commise par l'employeur.
- L’employeur est également tenu d’une obligation particulière de prévention et de prohibition des agissements constitutifs de harcèlement moral
L’article L. 1152-1 du Code du travail interdit ainsi : « Les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Aussi, au visa de cette disposition, la Cour de Cassation a jugé que constituent un harcèlement moral la conjonction et la répétition d’agissements à l’origine de la dégradation des conditions de travail du salarié qui a généré un état dépressif médicalement constaté et à l’origine d’arrêts de travail. (Cass. Soc. 10 novembre 2009 n°07-45.321).
Afin d’éviter de tels agissements, l'employeur doit prendre toutes les mesures pour empêcher une situation de harcèlement moral : « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral » (article L 1152-4 du Code du travail).
Les faits d'espèce :
Monsieur X a été engagé en CDI à compter du 21 décembre 2015 en qualité d’assistant, statut employé.
Le 15 avril 2019, le médecin du travail a constaté que son état de santé nécessitait des soins auprès de son médecin traitant et a écrit que “son état de santé contre-indique le travail ce jour”.
Le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 16 avril 2019, régulièrement prolongé.
Par lettre datée du 26 juin 2019, le salarié, par la voie de son conseil, a dénoncé la dégradation de ses conditions de travail ayant altéré son état de santé.
A l’issue de la visite de reprise tenue le 17 février 2020, le médecin du travail a rendu un avis d’inaptitude en indiquant que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi. C'est ainsi qu'il a été licencié le 16 mars 2020 pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.
Par lettre datée du 29 avril 2020, le salarié a contesté le licenciement et a dénoncé des manquements de l’employeur à l’obligation de sécurité et un harcèlement moral à l’origine de son inaptitude puis a saisi le Conseil de Prud'hommes.
Au soutien du harcèlement moral invoqué, le salarié faisait valoir :
- qu’il a été contractuellement engagé en qualité d’assistant aux affaires juridiques mais s’est vu confier dans les faits des missions afférentes à des fonctions de “paralegal” dont il ne possédait pas les compétences et connaissances requises notamment en droit des sociétés, estimant les deux formations dispensées durant toute la relation de travail “dérisoires” au regard des missions complexes et multiples qui lui ont été confiées
- que sa charge de travail a considérablement augmenté en raison d’une réorganisation interne, du départ non remplacé d’une collègue en juin 2018, générant notamment de nombreuses heures supplémentaires et une situation de solitude dans l’exercice de ses fonctions avec un sentiment d’absence d’encadrement,
- qu’il devait travailler dans l’urgence, les pressions et le stress, compte tenu des délais légaux à respecter et de la charge de travail qu’il devait gérer seul,
- qu’à compter de janvier 2019, les dossiers d’approbation des comptes de vingt filiales françaises n’étaient plus répartis sur trois personnes mais gérés par lui seul,
- que malgré ses alertes par mails auprès de sa hiérarchie sur ses conditions de travail dégradées et deux entretiens avec la responsable des ressources humaines le 8 avril 2019 et le directeur juridique le 9 avril 2019, puis le courrier de son avocat le 26 juin 2019 et son courriel du 28 octobre 2019, l’employeur n’a pris aucune mesure pour remédier à sa surcharge de travail, ce qui a notamment conduit le médecin du travail à le “lever” de son poste le 15 avril 2019, quelques jours après sa reprise du 8 avril 2019 faisant suite à un arrêt de travail pour maladie motivé déjà par ses conditions de travail dégradées entre le 13 mars et le 5 avril 2019, puis à rendre un avis d’inaptitude le 17 février 2020.
L'arrêt de la Cour d'Appel de Paris :
Dans son arrêt du 8 février 2024, la Cour a jugé que :
"(...) la société échoue à justifier objectivement l’augmentation continue et exponentielle de la charge de travail dévolue au salarié tant dans l’ampleur que dans le fond des tâches confiées, sans commune mesure avec les tâches attendues d’un salarié de catégorie employée, ayant dégradé ses conditions de travail jusqu’à altérer son état de santé, et n’établit en aucune manière avoir pris des mesures appropriées pour remédier à cette situation qu’elle ne pouvait méconnaître au regard en tout état de cause de l’alerte particulièrement claire du salarié du 18 mars 2019.
Dans ces conditions, le harcèlement moral subi par le salarié est établi.
Il ressort des pièces de nature médicale, notamment les certificats médicaux de son médecin traitant en lien avec le médecin du travail et son dossier médical à la médecine du travail que l’état de santé du salarié s’est trouvé altéré du fait de la surcharge très importante de travail que celui-ci a éprouvée, générant un grand stress, des troubles du sommeil, des céphalées, des tensions musculaires, un état anxieux et un état dépressif nécessitant un traitement par psychotropes, la cour relevant en particulier que le médecin du travail a procédé au constat de cette situation le 15 avril 2019 avant de prendre la décision de lever le poste de travail de la salariée, quelques jours après la reprise de son poste.
Dans ces conditions, l’inaptitude de la salariée assortie de la mention relative à son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi, est la conséquence du harcèlement moral subi par la salariée.
Il s’ensuit que le licenciement intervenu en méconnaissance des dispositions de l’article L. 1152-1 du code du travail est nul en application de l’article L. 1152-3 du même code".
Monsieur X a ainsi pu obtenir le paiement des sommes suivantes pour une ancienneté de 4 ans et un salaire moyen de 3.591,27 € bruts :
- 25 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,
- 7 182,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
- 718,25 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de prévention des risques en matière de harcèlement moral,
- 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La Société doit également rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées au salarié et ce, dans la limite de six mois d’indemnités.
Le Cabinet de Maître Aurélie ARNAUD, exerçant uniquement en droit du travail, a développé une expertise pointue dans l'accompagnement des salariés se sentant victimes de faits pouvant constituer des actes de harcèlement moral. Le Cabinet conseille en amont les Clients dans la constitution de leur dossier notamment.
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