par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris 8
C'est ce qu'il ressort d'un arrêt de la Cour de Cassation du 29 mars 2023 (n°21-15472).
Selon la Cour de Cassation, l’employeur n’exécute pas loyalement son obligation de reclassement s’il n’aménage pas en télétravail le poste d’un salarié déclaré inapte par le médecin du travail, comme préconisé par ce dernier dans l’avis d’inaptitude, alors que l’essentiel de ses missions est télétravaillable.
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition doit prendre en compte, après avis des représentants du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail (article L 1226-2 du Code du travail en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle; article L 1226-10 du Code du travail en cas d’inaptitude d’origine professionnelle).
Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il doit lui faire connaître par écrit les motifs s’opposant au reclassement. Il ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues ci-dessus, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions (C. trav. art. L 1226-2-1 en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle; C. trav. art. L 1226-12 en cas d’inaptitude d’origine professionnelle).
La Cour de cassation, dans son arrêt du 29 mars 2023 destiné à être publié au bulletin de ses chambres civiles, précise l’étendue de l’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur.
L’employeur doit tenir compte des préconisations du médecin du travail…
En l’espèce, une assistante coordinatrice d’équipe pluridisciplinaire dans un centre de santé au travail est déclarée, à l’issue de deux examens médicaux, inapte à son poste par le médecin du travail, qui précise dans son avis qu’elle «pourrait occuper un poste administratif sans déplacement et à temps partiel (2 j/semaines) en télétravail à son domicile avec aménagement du poste approprié».
Licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement plus de 9 mois après, elle saisit la juridiction prud’homale afin de contester le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail et de solliciter des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère illicite de son licenciement en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.
La cour d’appel ayant fait droit à sa demande, jugeant que l’employeur avait manqué à son obligation de reclassement en n’aménageant pas le poste qu’elle occupait en télétravail, celui-ci se pourvoit en cassation. Il reproche à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le télétravail a été mis en place au sein de l’entreprise. En effet, selon lui, l’obligation de reclassement du salarié déclaré inapte à son poste de travail ne porte que sur des postes disponibles existant au sein de l’entreprise, l’employeur n’étant pas tenu de créer spécifiquement un poste adapté aux capacités du salarié. Il ne pourrait donc se voir imposer de reclasser le salarié sur un poste en télétravail que si ce dernier a été mis en place dans l’entreprise. Or ce n’était pas le cas en l’espèce puisqu’il n’existait aucun poste en télétravail au sein de l’association et une telle organisation est incompatible avec son activité qui requiert le respect du secret médical.
… en aménageant le poste du salarié inapte en télétravail dès lors que ses missions sont compatibles
Après avoir rappelé les dispositions des articles L 1226-10 et L 1226-12 du Code du travail, la Cour de cassation énonce qu’il appartient à l’employeur de proposer au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. Elle approuve la cour d’appel d’avoir jugé que l’employeur n’avait pas satisfait à son obligation de reclassement.
La décision de la Cour de Cassation s’appuie sur les éléments retenus par la cour d’appel pour caractériser le manquement de l’employeur.
Tout d’abord, les juges du fond avaient relevé que le médecin du travail était parfaitement clair dans son avis d’inaptitude sur les dispositions à mettre en œuvre de nature à permettre à la salariée de conserver son emploi. Il avait précisé qu’elle pourrait occuper un poste administratif, sans déplacement, à temps partiel, en télétravail à son domicile avec aménagement de poste approprié, puis confirmé cet avis quelques mois après en réponse aux questions de l’employeur.
En outre, la salariée occupait en dernier lieu un poste de «coordinateur» et les missions accomplies et non contestées par l’employeur ne supposaient pas l’accès aux dossiers médicaux et étaient susceptibles d’être pour l’essentiel réalisées à domicile en télétravail et à temps partiel comme préconisé par le médecin du travail.
Dès lors, les juges du fond ne pouvaient qu’en déduire que l’employeur n’avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement. La Cour de cassation précise que la cour d’appel n’avait pas besoin, pour prendre sa décision, de rechercher si le télétravail avait été mis en place au sein de la société dès lors que l’aménagement d’un poste en télétravail peut résulter d’un avenant au contrat de travail.
A noter : Rappelons en effet qu’avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017 le 24 septembre 2017, et donc au moment des faits, l’article L 1222-9 du Code du travail prévoyait que le télétravail pouvait être prévu par le contrat de travail ou un avenant à celui-ci. Depuis cette date, ce même article prévoit que le télétravail peut être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique s’il existe. À défaut, l’employeur et le salarié peuvent formaliser leur accord de recourir au télétravail par tout moyen. La solution retenue par la Cour de cassation reste donc applicable sous l’empire des textes actuellement en vigueur.
Cette décision constitue une nouvelle illustration du contrôle exercé par la Cour de cassation sur les éléments retenus par les juges du fond, saisis d’un litige relatif à l’étendue de l’obligation de reclassement, pour décider si l’employeur est en mesure de justifier du sérieux de ses recherches et de sa bonne foi à l’égard du salarié.
L’analyse des décisions récentes des juges du fond met en évidence un accroissement des préconisations de reclassement en télétravail par les médecins du travail. Ce type d’organisation du travail présente en effet l’avantage d’épargner au salarié inapte les trajets pour se rendre sur le lieu de travail, ou de lui éviter un contact avec un environnement de travail à l’origine de son inaptitude. Si l’employeur, à réception d’une telle préconisation, estime que la mise en place du télétravail est impossible, il doit être en mesure de justifier avoir sérieusement tenté de le mettre en place, et pouvoir prouver les obstacles techniques ou fonctionnels qui l’empêchent de se conformer aux consignes du médecin du travail (en ce sens, CA Paris 18-5-2022 no 19/02933). En tout état de cause, et comme vient de le rappeler la Cour de cassation, l’absence de mise en place collective de cette organisation du travail est insuffisante à établir une telle impossibilité.
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