C’est quoi un licenciement pour insuffisance professionnelle ? définition, cadre et exemples

Publié le :

par Aurélie ARNAUD - Cabinet 2A avocat
Avocat en droit du travail Paris



Licenciement pour insuffisance professionnelle : définition, cadre légal et exemples

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1) Définition et principe général

L’insuffisance professionnelle est l’incapacité d’un salarié à accomplir correctement les missions relevant de sa qualification, appréciée au regard de faits objectifs, précis et vérifiables, et imputables à l’intéressé, sans connotation fautive, c’est-à-dire en l’absence d’abstention volontaire ou de mauvaise volonté délibérée (motif non disciplinaire).
La Cour de cassation rappelle de longue date que l’insuffisance professionnelle n’est jamais fautive, sauf à démontrer une abstention volontaire ou une mauvaise volonté délibérée, ce qui, dans cette hypothèse, relève alors du terrain disciplinaire et non de l’insuffisance professionnelle (Cass. soc. 25-1-2006 n° 04-40.310 F-D; Cass. soc. 17-2-2004 n° 01-45.643 F-D).

En conséquence, un licenciement disciplinaire motivé par une insuffisance professionnelle est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la lettre de licenciement fixant les limites du litige (Cass. soc. 9-5-2000 n° 97-45.163 P; Cass. soc. 27-2-2013 n° 11-28.948 F-D).

2) Distinction essentielle : insuffisance professionnelle vs faute disciplinaire

Ne sont pas fautifs, relevant de l’insuffisance professionnelle, les manquements involontaires tels que incompétence, erreurs, oublis, étourderies ou lenteurs, sauf preuve d’une mauvaise volonté délibérée (Soc. 9 mai 2000, n° 97-45.163; Soc. 23 juin 2010, n° 09-40.073; Soc. 20 janv. 2016, n° 14-21.744).
À l’inverse, relèvent du disciplinaire les comportements d’insubordination ou d’opposition délibérée aux directives, même si l’employeur les a présentés à tort comme une insuffisance professionnelle, tel le refus quasi systématique d’obéir, de serrer la main du supérieur ou de s’asseoir lors d’une convocation (Cass. soc. 9-1-2019 n° 17-20.568 F-D).

3) Conditions de validité d’un licenciement pour insuffisance professionnelle

L’ employeur doit invoquer des éléments objectifs, précis, vérifiables et imputables au salarié, l’insuffisance n’étant pas déduite d’une appréciation purement subjective.
Les juges contrôlent l’existence réelle des faits invoqués, l’insuffisance professionnelle constituant un motif matériellement vérifiable, pouvant être précisé et discuté au contentieux (Cass. soc. 23-5-2000 n° 98-42.064; 3-10-2007 n° 06-42.646; 30-11-2017 n° 16-17.572).

L’insuffisance doit être imputable au salarié : il n’est pas possible de reprocher des erreurs relatives à des tâches étrangères à sa qualification ou lorsque l’employeur n’a pas respecté ses obligations (affectation inadaptée, moyens insuffisants, etc.).

Obligation d’adaptation/formation : le licenciement est injustifié si les erreurs découlent d’un défaut de formation, alors qu’à l’inverse, il peut être justifié si l’employeur a formé et tenté d’adapter le salarié et que les carences persistent (C. trav., art. L. 6321-1; Soc. 21 oct. 1998, n° 96-44.109; Soc. 16-9-2009, n° 08-42.554 F-D; Soc. 5-6-2019, n° 18-10.050 FS-D).

La simple « perte de confiance » n’est pas en soi une cause réelle et sérieuse; l’employeur doit articuler des griefs vérifiables liés à l’insuffisance professionnelle ou à une faute (Cass. soc. 30-11-2005 n° 03-47.591; 18-11-2003 n° 02-40.040).

4) Preuves et outils d’objectivation

Peuvent servir de preuves : les évaluations professionnelles, rapports d’audit, retours clients, attestations, à condition d’avoir informé préalablement le salarié des outils d’évaluation et d’utiliser des critères objectifs (C. trav., art. L. 1222-4; Soc. 26 janv. 2016, n° 14-19.002; Soc. 28 févr. 2018, n° 16-19.934).
Les entretiens annuels d’évaluation peuvent corroborer des insuffisances récurrentes et soutenir la cause réelle et sérieuse, y compris si le salarié conteste ou refuse de signer, à condition que les appréciations soient précises et étayées par d’autres pièces (CA Paris, 8 févr. 2011).

5) Insuffisance de résultats vs insuffisance professionnelle

L’insuffisance de résultats n’est jamais, à elle seule, une cause de licenciement; elle ne peut justifier la rupture que si elle procède d’une insuffisance professionnelle (ou d’une faute) personnellement imputable au salarié, avec des objectifs réalistes et un contexte neutre (Cass. soc. 30-3-1999 n° 97-41.028; 3-4-2001 n° 98-44.069; 19-10-2007 n° 05-45.980; 29-1-2014 n° 12-21.516).
Les juges exigent un lien avec des carences professionnelles et écartent les causes extérieures (conjoncture, moyens, organisation, quotas irréalistes), la preuve se fondant sur des faits relatifs à l’exécution du travail.

6) Exemples jurisprudentiels récents et classiques

Exemples où le licenciement pour insuffisance professionnelle est admis :

  • Refus persistant de se former ou incapacité à s’adapter malgré les formations dispensées et tentatives de l’employeur (Cass. soc. 16-9-2009 n° 08-42.554 F-D; Cass. soc. 5-6-2019 n° 18-10.050 FS-D).
  • Défaillances avérées et impacts sur le fonctionnement/finances lorsque les faits sont établis et imputables (par exemple retards et carences dans la mise en place d’outils de gestion, Cass. soc. 30-11-2017 n° 16-17.572).
  • Manquements professionnels répétés corroborés par évaluations et pièces concordantes (CA Paris, 8 févr. 2011).

Exemples où le licenciement pour insuffisance professionnelle est écarté :

  • Mauvaise qualité du travail due à l’absence de matériel adapté ou à une forte augmentation des tâches liée à un changement d’outils (Cass. soc. 4-10-1990 n° 88-43.946 D; 16-5-2001 n° 99-41.492 F-D).
  • Licenciement disciplinaire fondé en réalité sur une insuffisance non fautive : requalification en absence de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 9-5-2000 n° 97-45.163 P; 27-9-2011 n° 10-16.825 F-D).
  • Non-atteinte d’objectifs sans lien avec une carence professionnelle imputable (objectifs non réalistes/contexte défavorable) ou liée à des circonstances extérieures (notamment conjoncture).

7) Portée de la lettre de licenciement et contrôle du juge

  • La lettre doit énoncer un motif matériellement vérifiable, la mention d’« insuffisance professionnelle » étant en elle-même suffisante sur le plan formel, le détail pouvant être débattu devant le juge (Cass. soc. 23-5-2000 n° 98-42.064; 3-10-2007 n° 06-42.646).
  • Le juge contrôle la réalité, l’imputabilité et la proportionnalité du motif au jour de la rupture, au besoin en tenant compte d’éléments postérieurs pour apprécier la situation, dans le respect des principes généraux de la cause réelle et sérieuse.

8) Points d’attention pratiques

  • Obligation d’adaptation et de formation préalable avant tout licenciement pour insuffisance liée à l’évolution de l’emploi; à défaut, le licenciement est injustifié (C. trav., art. L. 6321-1; Cass. soc. 12-3-1992 n° 90-46.029 D).
  • Attention aux situations de santé / inaptitude : si les faits reprochés se rattachent à l’état de santé, la qualification « insuffisance professionnelle » peut masquer une discrimination ou une violation du régime de l’inaptitude et conduire à la nullité.
  • En cas d’insuffisance de résultats : vérifier le caractère réaliste des objectifs, l’absence de causes externes, et documenter des carences professionnelles imputables, sous peine d’absence de cause réelle et sérieuse.

9) Conclusion

  • Le licenciement pour insuffisance professionnelle est un licenciement non disciplinaire fondé sur des insuffisances objectives, précises, vérifiables et imputables au salarié, après respect par l’employeur de son obligation d’adaptation, et il se distingue de la faute par l’absence de mauvaise volonté délibérée.
  • Sont décisifs : la preuve de faits concrets (évaluations, audits, attestations), l’imputabilité à la personne du salarié, et, le cas échéant, l’analyse des objectifs et des résultats au regard des compétences et du contexte, l’insuffisance de résultats isolée ne suffisant jamais en soi.
  • Le licenciement pour insuffisance professionnelle donne droit enfin au préavis et à l’indemnité conventionnelle ou légale de licenciement.

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